Les cours d’eau sont des continuums au sein desquels non seulement de l’eau s’écoule mais transitent aussi des sédiments (limons, sables, graviers…).
Ceux-ci sont indispensables à la vie des organismes aquatiques, à la formation des sols des plaines d’inondation mais aussi des plages de la côte méditerranéenne. L’implantation dans le lit des rivières d’ouvrages transversaux ( tels que les barrages), en bloquant le transit des matériaux solides grossiers, perturbe leur équilibre hydrosédimentaire : une incision du lit se produit généralement en aval des barrages où les rivières coulent alors sur des substrats rocheux peu biogènes. Sur l’Azergues, il n’y a pas de barrage susceptible de piéger les sédiments mais une multitude de petits seuils de quelques mètres de chute qui suffisent à perturber le transit sédimentaire ; les ruptures localisées de la pente longitudinale qu’ils induisent génèrent en effet en leur amont un ralentissement du courant. L’abaissement des forces tractrices responsables du transport des matériaux dans le fond de la rivière provoque le dépôt des particules grossières et seuls les matériaux fins franchissent l’obstacle. Les masses de graviers accumulées dans les retenues en amont des seuils sont toutefois partiellement remobilisables par les crues les plus puissantes et parviennent en définitive à sauter l’obstacle, mais l’interruption sporadique et sélective de ces alluvions grossières pénalise le bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques en aval et sont en outre susceptibles de générer des perturbations dommageables pour les infrastructures et enjeux riverains (sur-inondation, érosion des berges…).
Une majorité de ces ouvrages hydrauliques (seuils) ou de franchissement (buses, ponts) implantés dans le lit des cours d’eau sont aussi des obstacles infranchissables pour le poisson. Or, on sait que la quasi-totalité des espèces piscicoles sont migratrices et effectuent des déplacements journaliers ou saisonniers, de quelques centaines de mètres à plusieurs dizaines de kilomètres, à la recherche des conditions favorables à leur survie ou leur reproduction.
Le cloisonnement de l’hydrosystème par une succession d’obstacles infranchissables entrave ainsi la faculté naturelle des différentes espèces piscicoles à coloniser l’ensemble des biotopes leur étant favorables, affecte leur capacité à se reproduire et entraîne l’affaiblissement génétique des populations isolées, voire leur disparition pure et simple en cas d’évènement traumatique (assec, crue, épizootie, pollution accidentelle…).
Dans ce contexte, aggravé par les effets du changement climatique en cours (augmentation de la fréquence et de la durée des étiages sévères et des périodes d’assecs, élévation de la température des eaux…), le rétablissement des continuités écologiques apparaît être l’élément déterminant pour assurer une résilience suffisante des organismes aquatiques et des populations piscicoles du bassin versant.
Le syndicat se fixe en conséquence à long terme (soit à l’horizon 2050) un objectif ambitieux de rétablissement complet des continuités écologiques sur les principaux cours d’eau du bassin versant.
Après avoir rétabli ou amélioré la communication entre la Saône et l’Azergues, entre cette dernière et ses deux bras amont (Aze et Ergues) et avec ses deux affluents majeurs (Brévenne, Soanan), les objectifs poursuivis sont désormais les suivants :
De façon générale, la stratégie retenue consiste à réaliser les travaux de rétablissement des continuités écologiques en progressant de l’aval vers l’amont car les poissons ont tendance à migrer vers l’amont en quête de frayères, d’eaux plus fraîches ou de nouveaux espaces favorables à coloniser. Dans le cas des tronçons comportant une forte densité d’obstacles sur un court linéaire, la logique commande cependant d’opérer en sens inverse, soit de l’amont vers l’aval. En effet, le bénéfice obtenu en supprimant l’obstacle le plus aval de la série serait trop insignifiant (gain de quelques centaines de mètres de cours rendus accessibles en amont, jusqu’au prochain ouvrage infranchissable) tandis qu’en rendant franchissable l’obstacle le plus amont, on donne immédiatement accès pour les poissons à un linéaire de cours d’eau plus vaste.
Si l’effacement des obstacles s’avère être la solution d’emblée privilégiée, car la plus efficiente et la seule permettant de retrouver, à moyen ou long terme, le profil initial du cours d’eau et son fonctionnement naturel, cette solution n’est toutefois pas toujours envisageable. En effet, dans bien des cas, des enjeux et usages sont liés aux ouvrages et un équilibre écologique alternatif s’est substitué au fil du temps en lieu et place de l’équilibre écologique originel, contribuant ainsi d’une certaine manière à la biodiversité des milieux aquatiques. La destruction de certains ouvrages est ainsi susceptible d’entraîner des risques (abaissement des nappes phréatiques, érosion du lit et des berges, inondation…) ou des destructions d’habitats ou d’espèces dont l’ampleur serait disproportionnée par rapport aux gains attendus en termes de seul rétablissement des continuités. Dans ce cas de figure, une solution de compromis est recherchée afin de rétablir a minima la circulation piscicole, tout en maintenant l’équilibre socio-économique et environnemental établi au fil du temps autour de ces ouvrages. C’est pourquoi, avant toute intervention sur un ouvrage, une étude est systématiquement réalisée afin d’identifier l’ensemble des enjeux en cause et de définir, de façon concertée avec les acteurs et partenaires réunis au sein du Comité technique « GEMA », la solution la plus pertinente et acceptable.
Dans le cas particulier de la lutte contre les espèces invasives, en particulier en vue de la protection de l’écrevisse indigène menacée par la concurrence de l'écrevisse signal, la stratégie mise en oeuvre va par contre à l’encontre de cette politique générale de rétablissement des continuités écologiques. En effet, pour tenter de sauvegarder certaines populations isolées d’écrevisse à pieds blancs, il a été collectivement décidé, sous l’impulsion du syndicat de rivière, de ne volontairement pas rétablir la communication entre le drain principal et les ruisseaux tributaires déconnectés par des obstacles jugés infranchissables pour l’écrevisse signal invasive.
Lors du contrat de rivière (2004-2010), trois obstacles principaux ont été effacés : un sur la haute Azergues à Lamure et deux sur le cours aval du Soanan.
Sur la durée du contrat pluri-thématiques (2015-2017), un seul des cinq ouvrages de liste 2 inscrits au programme opérationnel a pour le moment été traité ; il s’agit du barrage des eaux du SIEVA, en aval de Lozanne, qui a été effacé en 2017. Un passage à gué tombé en désuétude et localisé à proximité a également été effacé cette même année ainsi qu’une trentaine de petits seuils piscicoles sur le Soanan à Saint-Clément sous Valsonne.
Actuellement, les études, investigations et procédures réglementaires se poursuivent pour les quatre autres ouvrages de liste 2 inscrits au programme du contrat pluri-thématiques, en vue d’un engagement des travaux de rétablissement des continuités qui s’échelonnera sur la période 2020- 2022.
L’effacement de deux seuils sans usage sur le Soanan et de deux autres sur son affluent le ruisseau de la Baïse est également prévu pour une réalisation à l’automne 2020.
Une étude est par ailleurs en cours en vue de définir un scénario de rétablissement des continuités écologiques au droit du seuil dit du « Charbonnier » à Lamure sur Azergues et une mission de maîtrise d’oeuvre est lancée pour conduire le projet d’effacement de la digue de l’étang établit en travers du ruisseau de la Goutte Molinant à Chessy.
Le syndicat de rivière travaille enfin en régie au projet de reconnexion du ruisseau de Vavre avec l’Azergues à Lozanne.
Le chantier de rétablissement des continuités est, on le voit, conséquent, c’est pourquoi le syndicat va procéder par étapes pour atteindre l’objectif fixé. Pour le prochain cycle opérationnel du Programme de Mesures du SDAGE (2022-2027), l’ambition est :
Cette programmation n’empêchera toutefois pas le syndicat de saisir toute opportunité qui viendrait à se présenter.
A préciser par ailleurs que toutes autres actions en la matière pouvant être conduites par d’autres maîtres d’ouvrages (Département, Fédération de Pêche, SNCF…) seront les bienvenues, sous réserve d’être menées en concertation avec le syndicat et ses partenaires.
Le rétablissement des continuités est un chantier difficile car il s'applique à des ouvrages cristallisant divers enjeux, usages, réglementations et risques. Les avis de chacun divergent quant-aux solutions à appliquer. De plus, la complexité de la réglementation et les lourdeurs administratives font que les études et les réunions se multiplient, les délais s'allongent. En conséquence, les chantiers ont du mal à se réaliser...C'est pourquoi, en 15 ans, malgré de nombreuses actions engagées, le syndicat n'a jusqu'à présent réussi à traiter que trois obstacles importants.
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